Mardi matin, je me lève tôt.
Alors tôt pour moi c'est 9 heures 30, car quand je n'ai rien à faire, eh bien je ne sors pas de mes quartiers avant 10 heures.
Mais je dois aller visiter une amie, Mister nous a acheté de jolis petits gâteaux du meilleur pâtissier de la ville, totu se goupille pour le mieux.
Pour une fois, je me lève très motivée, file dans la salle de bain, ma maquille, choisit ma tenue, et j'arbore évidemment mon superbe trench tout neuf, que je n'ai pas encore eu l'occasion de porter étant donné que mon amie pneumonie m'a privée de toute sortie depuis son achat.
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C'est donc à l'heure, il faut aussi le souligner, 10h30 pétantes que je me retrouve devant Caro.
Qui est Caro, me demandez vous?
Eh bien Caroline, c'est ma voiture.Toute belle achetée il y a 3 mois en remplacement de Géraldine, l'ancienne, qui est morte tragiquement, la pauvre.
C'est donc sur fond d'Eddy Mitchell dont nous sommes fans en famille, que le pirate et moi abordons la dernière heure qui me sépare de mon amie.
Au départ, je trouve que la voiture fait un drôle de bruit; une sorte de "clang" quand je tourne le volant, voyez-vous.
Mais vu que le bruit cesse au 3 ème coup de volant, je ne me départis pas de ma gaieté et je décide de partir quand même.
A 1km de chez moi, tout va bien, le pirate et moi chantons à tue-tête.
A 2km de chez moi, c'est encore la fête, le pirate et moi faisons un concours d' Air guitare sur les sons entraînants de notre ami Eddy.
j'arrive en bas de la route la plus sinueuse pour acceder à ma modeste masure, et je dis au pirate :
-"on la remets une dernière fo...PAN!!!"
Pan?!!comment ça Pan?!!c'est quoi ça Pan?!!
Je me gare en vitesse et de travers sur le côté, et vois d'un air horrifié que le pneu avant gauche fume.
J'observe le tout, et constate donc qu'il est à plat, ce crétin, c'est bien le moment, surtout quand j'ai mon trench tout neuf et non pas ma vieille parka toute pelée (bon ça ne risque pas puisque je ne dépasse pas mon jardin avec cette parka, mais quand même!)
J'appelle Mister qui se propose illico de voler à mon secours; mais je fais ma brave et refuse en disant que j'arriverais bien à changer une roue quand même, on est au 21ème siecle, celui de la femme, ne l'oublions pas.
Je raccroche, ouvre le coffre, regarde la roue d'un air dégoûtée; elle est toute sale, celle là, et en plus il faut enlever tous les outils pour la sortir, c'est pas pratique du tout, surtout quand on a les ongles tous fraîchement manucurés à la mode de chez nous, c'est à dire en french;
Je touche le tout du bout du doigt, regarde autour de moi, voir si je suis seule et décrète sans autre forme de procès, que je n'y arrive pas.
Je dis au pirate, qu'on va rentrer à pied du coup, me retourne, avise le panneau; et lui aussi est contre moi puisqu'il indique 3 km de distance entre où je suis et chez moi.
Heu, je vous vois venir, mais 3 km pour moi c'est no way; alors n'insistez pas.
C'est là qu'une voiture arrive.
Je fais signe tout sourire, au cas où ce serait des mecs.
Bingo, ce sont deux hommes.
Je leur demande de m'aider parce que bon, heu, je ne sais pas changer de roue, mais je leur cache que bon, la vraie raison est que mon trench est tout neuf, qu'il m'a coûté presqu'un rein, et que je ne veux absolument pas le salir.
C'est là que les deux personnages entrent en scène.
Deux paysans "bouse-man" descendent d'un petite Clio à la couleur indéfinie tellement elle est sale.
A la première parole, je frôle le coma éthylique, tellement ils sentent la piquette à des kms;
Heureusement qu'on ne croise personne sur ces routes, j'aurais honte qu'on croit que mon fils, moi-même et surtout mon magnifique trench ne soyons avec ce genre de personnages.
Les deux hommes donc, tentent de changer la roue, ce qu'ils font avec brio, en ne cessant de répeter que seule je n'y aurais certainement pas réussi.
Même si c'est vrai car ils ont desserés les bidules-chouettes avec un marteau qu'ils ont pris de leur Clio, mon côté féministe s'agace un peu, de voir qu'ils se croient indispensables;
Le fermier qui sent le moins bon,(enfin tout dépend d'où on se situe, car si on aime l'odeur de vinasse, il sent donc délicieusement bon) me dit :
"ah ben, j'ai trouvé!elle a une panne votre voiture!c'est le ressort de l'amortisseur qui est cassé et qui mange le pneu"!
A ce moment là, je pense qu'il aurait fallu prendre une photo de ma tronche..
Il me dit que ça ne sert à rien de changer la roue, car ça risque de faire pareil sur le pneu de secours, qui en plus est un vrai pneu et pas une galette, et donc que ce serait dommage de l'abîmer.
Je lui demande s'il peut me ramener chez moi, j'habite pas loin.
Et là il me dit;
"ah je ne vous avais pas reconnu, c'est vous qui habitez dans l'ancienne cure (ancien presbytère)?; je suis l'élu.
Alors là, j'ai dû avoir l'air le plus imbécile de la Terre, car j'ai pris le terme "élu" dans le sens "élu de Dieu,ou un truc comme ça".
Evidemment, je ne comprenais rien, du coup, je me suis même vaguement demandée s'il avait un message d'une puissance divine ou autre, pour moi, où si j'avais été investie d'une mission pendant mon sommeil.
Il a dû avoir pitié devant mon air imbécile, parce qu'il me dit :
-"l'élu, heu, l'élu de la commune, vous savez de la mairie"
-Aahhh!!d'accord dis-je d'un air honteux, je comprends mieux!!
Après moults hésitations,ils decident de changer quand même la roue et de me ramener chez moi en roulant doucement.
Je me venge de la honte de tout à l'heure en lui tendant la carte de ma voiture (c'est une carte qu'on introduit dans une fente, et on appuie sur un bouton pour démarrer, il n'y a pas de clés)et il me dit:
-heu, vous pouvez l'allumer parce que ces trucs modernes, je n'y connais rien".
Je rigole intérieurement mauvaise que je suis, et nous voilà partis.
Son alcoolique, heu pardon, acolyte nous suit de près au cas où..
Two kilometers later , ça fume, ça fume!!!
Il est catastrophé, et regrette tout fort d'avoir bousillé le second pneu en roulant quand même!!
Bonne âme, je luis dis que ce n'est pas grave, que ce n'est que du matériel, et que c'est sa bonne intention qui compte.(A ce moment, j'ai eu envie de me jeter sur lui et de le massacrer, pour être honnête, mais je me suis retenue tout sourire, n'oublions pas que j'ai mon trench, tout de même)
Donc nous voilà en train de descendre en roue libre vers une vieille carrière; et me voilà contrainte d'abandonner Caro, ma jolie voiture, seule auprès d'une forêt bien patibulaire, ma foi.
Et comme mes aventures ne sont jamais simples, je me retrouve pliée en deux dans leur voiture dégueulasse, mon fils collé sur un siège auto venu d'une époque où je croyais que les voitures n'existaient pas encore, lol.
Le paysan est galant, il me fait passer devant, en me disant que je serais bien plus à l'aise.
J'ai tout le loisir d'observer le véhicule sauveur qui me ramène chez moi; et je me demande par la même occasion comment il est possible d' avoir de la terre partout en haut du tableau de bord.
Je ne savais pas non plus que le plafond pouvait être noir, mais noir de crasse.
Heureusement mon supplice ne dure pas longtemps, je récupère mon fils, ma boîte à gâteau un peu écrasée, et remercie chaleureusement ces gentils messieurs.
C'est donc satisfaite d'avoir eu la chance de croiser ces bons hommes, que je ne remercierais jamais assez, puisque rien ne les obligeaient à m'aider.
J'ouvre la porte d'entrée contente d'être rentrée saine et sauve et surtout propre, et là mon fils m'appelle :
"-maman, tu as une tâche sur les fesses".
Je retire le précieux objet, en me rassurant comme je peux, le regarde et frôle l'attaque.
Il devait y avoir une sorte de terre graisseuse sur le siège, parce qu'à l'arrière de mon Burberry tout-neuf-payé-moitié-prix, une énorme tâche s'étale tout doucement, mais très sournoisement , la saloupe.
No comment.
(photo : Emma Watson pour Burberry)