Demain j'ai 33 ans. Comme à chaque veille d'anniversaire et comme beaucoup, je ne me dis pas que ça passe vite et que j'effectue un pas de plus dans le vieillisme.
Je veux vivre vieille.
Parce que Noël 2003 a failli être mon dernier.
C'est bientôt les vacances scolaires et je vais enfin pouvoir avoir ma Barbie Chérie avec moi pendant quelques jours. Il est prévu que toute ma famille qui se résume à mes soeurs et mon frère se réunissent pour fêter les 50 ans de notre mère. C'est vendredi, tout va bien, on est contents, on va chercher Barbie Chérie à Paris en voiture, puis on file en Auvergne à Clermont-Ferrand pour aller trinquer chez ma mère.
La veille, je me suis réveillée avec un début de mal de gorge, qui s'est tranformé en toux au fil de la journée.Après un bref passage à la pharmacie pour aller acheter un sirop,nous voilà partis.
Nous arrivons tard à Clermont,mais qu'importe la fête commence. On trinque joyeusement,on rigole jusque tard,on se couche sereins et ravis à la perspective de la grosse bouffe qu'on va tous partager demain.
La journée du samedi se passe bien, on va faire les courses, entre deux verres, on rit toujours autant; maman rentre du boulot et prépare la repas.
Bref tout va bien.
Le soir arrive, tout est prêt, manque plus qu'à aller chercher la gâteau qu'on a fait faire chez le pâtissier. Je pars avec mon amoureux, qui n'est pas encore mon mari, et ma soeur aînée. Nous en profitons pour retourner à la pharmacie car ma toux s'aggrave. Le pharmacien me dit qu'il n'y a rien d'autre à donner qu'il faut aller chez le médecin si ça va pas.
De retour chez maman, je prends un autre cuillère de sirop et tout le monde file se mettre sur son trente et un.
Tout le monde est prêt, on s'apprête à prendre l'apéritif. D'un coup, je me sens très mal, je tousse à pierre fendre, je suis obligée de laisser les convives et d'aller m'allonger dans ma chambre d'ado. Une heure plus tard, ça va pas mieux, le thermomètre affiche 40 degrés. On décide d'appeller le doc qui diagnostique une grippe et me dit qu'il faut juste que ça passe et qu'il me fournit en médicaments pour ça.
D'heures en heures, de jours en jours mon état empire, je ne mange rien, je vomis de la bile puisque je n'ai rien dans l'estomac et je vous passe les détails des toilettes.
Mon amoureux décide d'écourter notre séjour d'un jour et le surlendemain de notre arrivée, nous repartons. Je ne vois rien du voyage que je passe allongée dans la voiture, car j'ai des courbatures terribles. Mon amoureux s'arrête plusieurs fois pour me masser le cou à l'aide d'un truc sensé calmer la douleur.On arrive tard, Barbie Chérie n'a pas mangé de la journée, mais ne dit rien.
Comme ça ne va pas mieux, on décide d'aller au petit hôpital près de chez nous, qui n'a pas une très bonne réputation. Les médecins sont incompétents ce qui se confirme lorsqu'il me diagnostiquent une côte cassée sans autre forme de procès et surtout sans radio complémentaire, ce qui expliquerait mes douleurs pulmonaires et dorsales. Ma toux atteint des sommets et le jeune docteur me prescrit un sirop anti-tussif.
Et nous voilà de retour chez nous.
Le reveillon de Noël est le lendemain et on annule les amis qu'on avait prévu de recevoir car je ne vais pas mieux.
Les jours passent. Barbie Chérie et mon amoureux on reveillonné tant bien que mal tandis que je passe mon temps allongée sur un matelas dans le salon pour au moins voir ma fille que j'ai déjà tant de peine à recuperer ne serait ce que pour les vacances.
Deux jours encore passent.Le sirop antitussif ne fonctionne pas; je tousse de plus en plus, je ne mange pas, je ne dors pas, je passe mon temps à vomir et à aller aux toilettes.
Le 25 décembre, je n'y tient plus. On appelle le 15 qui nous dit qu'aucun médecin ne viendra aujourd'hui. En colère,mon amoureux raccroche et on décide d'attendre le lendemain pour prendre rv avec un médecin sur la ville la plus proche.
Le 26 décembre, un médecin nous rappelle en colère, nous disant qu'il nous a attendu la veille à son cabinet et qu'on appelle pas le 15 pour rien.On lui explique à notre tour ce qu'ils'est réellement passé, qu'à aucun moment le 15 nous a fait savoir qu'un medecin se tiendrait disponible à son cabinet pour nous. Il accepte de venir le jour même, à 16 heures. De toute façon, je ne peux plus me lever.
Je tousse, j'ai terriblement mal aux poumons, je respire comme un petit chien, je n'ai plus de souffle.Je me sens mal; affreusement mal, je n'en peux plus, ça ne va pas, je vais mourir, je le sais.
Après une journée interminable, le médecin arrive, m'ausculte à peine et me dit qu'il faut que je parte en urgence en ambulance.
Celle-ci arrive, et me voilà propulsée au même petit hôpital dans lequel je suis allée trois jours plus tôt; C'est le branle-bas de combat, on me fait des examens sanguins, on m'injecte un produit sensé diminuer la rapidité des battements de mon coeur, ..
Et on me transfère à l'hôpital de Nantes en extrême urgences en disant à mon amoureux qu'on lui donne des nouvelles.J'ai soif, qu'est ce que j'ai soi: On ne veut pas me donner d'eau, tant qu'on ne sait pas ce qu'il se passe.On me fait plusieurs examens complémentaires et la nuit tombe.
Dans la nuit du 26 au 27 décembre 2003, on m'a réanimée trois fois, on a prévenu mon amoureux et ma fille. On lui demande d'appeller ma famille. Je suis branchée de partout. Les médecins s'attendent au pire.
Je ne suis pas morte.
Le diagnostic était "pneumopathie athypique". Mon poumon gauche ne fonctionnait plus, il était entièrement infecté et le droit l'était à moitié. D'où la toux et les maux de dos, sans parler de la perte de 75 pour cent de mes capacités respiratoires.
Une radio faite à ma première visite à l'hôpital aurait suffi à la diagnostiquer et trois jours d'agonie m'aurait été épargnés.
Deux semaines de réanimation et un mois de pneumologie plus tard, je sors contre avis médical. Je ne pouvais plus supporter ma voisine de chambre (une femme âgée comme la plupart dans ce service), les piqûres anti phlébites, et la nourriture de l'hôpital.
Dans la bataille, j'ai perdu 6 kilos; mon amoureux a dû ramener Barbie Chérie chez son père qui ne me laisse pas la voir. Quand la reverrais-je?
A peine plus de trois ans plus tard, j'ai récuperé ma fille qui habite définitement chez nous, j'ai eu un p'tit pirate malgré que les médecins me déconseillait fortement une grossesse; je me suis mariée.
Les médecins sont restés perplexes quant au pourquoi d'une pneumopathie aussi grave à presque de 29 ans; longtemps ils ont cherché.
Une myélome, cancer du sang et de la moëlle osseuse, qui se traduit par une faiblesse du système immunitaire a été diagnostiqué, depuis. Je suis sous traitement permanent, on a pas encore entamé la chimiothérapie car je resiste encore et toujours aux virus envahisseurs, mais je suis shootée aux antibiotiques. Mon état est stable, que demander de plus?
Demain, le 21 février, je vais avoir 33 ans. J'ai survécu à trois arrêts, trois réanimations, je ne suis pas morte. Voilà pourquoi,aujourd'hui, je vis en majuscule.
Je ne pensais pas aborder si sereinement cette 34 année. Je ne suis pas morte, et je compte vivre encore longtemps.
Photo, Ninou sur la plage des Anses d'Arlets en Martinique.